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Parenté entre les Ophrys de type « bertolonii » et de type «
Jeu 12 Avr 2018 - 15:00
Je viens de m'amuser à écrire un court texte sur des Ophrys apparentés
Suite aux balades maltaises de Philippe, avec cet Ophrys melitensis que je connais peu, cela a déclenché les commentaires qui vont suivre. Sur la base du débat entre les orchidophiles qui multiplient le nombre d'espèces (splitters) et ceux qui tentent d'en réduire le nombre (lumpers), les orchidées du genre Ophrys sont classées d'un côté dans une trentaine de groupes morphologiques (Delforge, 2016), ou de l'autre dans neuf entités monophylétiques suffisamment distinctes génétiquement pour être reconnues comme d'authentiques espèces (Bateman et al., 2018). D'ou la question : comment déterminer à quelle entité appartiennent les Ophrys des potentiels groupes « lunulata » et « bertolonii » de Delforge (2016) ?. Le groupe « lunulata » comprend les Ophrys lunulata, panattensis, promontorii et tarentina, mais nous ne disposons de données génétiques (ADN nucléaire) que pour lunulata et promontorii, et pour l'ADN chloroplastique uniquement pour O. lunulata. Pour ce qui concerne le groupe « bertolonii », un peu plus important, il comporte les Ophrys balearica, benacensis, bertolonii / aurelia, bertoloniiformis, catalaunica, drumana / saratoi, explanata, flavicans, magniflora, et melitensis. Nous disposons de données ADN nucléaire (ITS) pour benacensis, bertolonii, bertoloniiformis, catalaunica, drumana, explanata, ainsi que de données ADN chloroplastique (psbA-trnH et trnD-trnT) pour bertoloniiformis, catalaunica, drumana, explanata.
Bon nombre d'orchidophiles ont bien du mal à comprendre et accepter le fait que les orchidées de l'ensemble « bertolonii » puissent être considérées comme des membres à part entière de la « macroespèce » sphegodes (pour ne pas dire de l'espèce sphegodes). C'est ce point qui sera discuté ici.
Que savons nous de l'Ophrys lunulata et de ses proches ?
Les séquences ITS des Ophrys promontorii (O x promontorii) et lunulata, respectivement AY014538 et AM711712, sont identiques. Toutes deux sont également identiques à la séquence ITS de l'Ophrys sphegodes (AJ973254), séquence présente chez 26 des 47 Ophrys de la macroespèce sphegodes pour lesquels une séquence ITS a été identifiée : O. aesculapii, O. aranifera / sphegodes, O. argolica, O. ariadnae, O. biscutella, O. bertoloniiformis, O. catalaunica, O. cilicica, O. cretica, O. drumana, O. exaltata, O. explanata, O. ferrum-equinum, O. garganica, O. gortynia, O. helenae, O. incubacea, O. litigiosa / araneola, O. lunulata, O. mammosa, O. morisii, O. passionis, O. promontorii, O. reinholdii, O. splendida, O. spruneri.
Cette séquence ITS « sphegodes » se retrouve donc à la fois chez deux Ophrys du groupe « lunulata » : lunulata et promontorii, et d'autre part chez quatre Ophrys du groupe « bertolonii » (bertoloniiformis, catalaunica, drumana, explanata). Par ailleurs, lorsque l'on s'intéresse à l'ADN chloroplastique de l'Ophrys lunulata, avec ses deux séquences psbA-trnH (AM711680) et trnD-trnT (AM711944), nous notons l'identité de ces deux séquences, avec celles de l'Ophrys catalaunica (AM711658 et AM711922). Autrement dit ces deux Ophrys possèdent le même ancêtre maternel. Dans la mesure ou ces Ophrys drumana et lunulata possèdent également la même séquence ITS (celle de sphegodes), il est très vraisemblable qu'ils puissent être apparentés.
Que savons nous de l'Ophrys bertolonii et de ses proches ?
Nous venons de voir que les séquences ITS de plusieurs Ophrys de l'ensemble « bertolonii » (bertoloniiformis, catalaunica, drumana, explanata) sont totalement identiques à la séquence ITS de l'Ophrys sphegodes. Par ailleurs, comme cela a été démontré par Devey et al. (2008), certains Ophrys possèdent une (1) ou deux (2) autres séquences ITS en plus de celle de sphegodes, comme les Ophrys benacensis (1), catalaunica (1), drumana / saratoi (1), bertolonii / aurelia (2). En ce qui concerne catalaunica, la seconde séquence ITS (AY699968) est identique à l'ITS des Ophrys castellana et riojana, tous deux appartenant à l'ensemble « sphegodes ». De même, une des deux séquences ITS de bertolonii / aurelia est présente chez l'Ophrys araneola également inclus dans l'ensemble « sphegodes » et chez l'Ophrys cornuta chez lequel elle aurait été introgressée. Que dire des autres séquences, si ce n'est qu'elles présentent de très faibles différences avec les séquences déjà connues, indiquant de très probables mutations. La séquence additionnelle de l'Ophrys benacensis (AM711804) est très proche des séquences ITS garganica et drumana. De même, pour la séquence de l'Ophrys bertolonii (AM711805) très voisine de celles des Ophrys garganica et incubacea (tous deux inclus dans l'ensemble « sphegodes ») et drumana. Enfin, la séquence ITS additionnelle (AM711824) de l'Ophrys drumana, ne diffère que par un nucléotide de la séquence ITS (AM711825) de l'Ophrys drumana, qui est identique à la séquence ITS de l'Ophrys sphegodes.
Pour ce qui est des séquences chloroplastiques psbA-trnH et trnD-trnT, nous ne disposons que des séquences des Ophrys drumana, bertoloniiformis, catalaunica et explanata. toutes très proches (identiques, ou avec 1, 2 ou 3 différences sur près de 2000 nucléotides) des séquences chloroplastiques des autres membres de la macroespèce sphegodes. La constatation importante est la suivante, aucun des Ophrys mentionnés dans ces lignes ne possède une séquence chloroplastique psbA-trnH totalement identique à celle de l'Ophrys sphegodes. Cependant, faute d'une identité totale avec sphegodes, ces Ophrys présentent des séquences chloroplastiques très voisines (au sens de ne différant que très peu, par un, deux ou trois nucléotides de celles des Ophrys de l'ensemble « sphegodes », comme mammosa, ferrum-equinum, panormitana, incubacea, etc...).
Les pollinisateurs
Les Ophrys du groupe « lunulata » sont pollinisés par différentes abeilles Osmia. Par contre les Ophrys du groupe « bertolonii » font appel à différentes abeilles du genre Chalicodoma. Cependant, l'Ophrys bertolonii peut être pollinisé par la guêpe Campsoscolia ou par des abeilles Chalicodoma et Eucera.
Que nous disent les phylogénies ?
En premier lieu, il faut mentionner le fait que les séquences chloroplastiques des Ophrys drumana, bertoloniiformis, catalaunica, explanata et lunulata appartiennent bien à l'ensemble nommé macroespèce sphegodes. Ceci est conforme à l'analyse de l'ADN chloroplastique effectuée par Devey et al. (2008) chez O. bertoloniiformis, catalaunica, drumana, explanata et lunulata, résultat que nouss avons confirmé ultérieurement (Henry, 2015).
Ajoutons à cela que l'Ophrys lunulata présent dans la phylogénie réalisée par Bateman et al. (2018), se trouve être très proche de l'Ophrys sphegodes. Il en va de même pour l'Ophrys benacensis (Bateman et al., 2018). Ces deux Ophrys appartiennent à la macroespèce « sphegodes » dans cette phylogénie basée sur l'ADN, mais probablement cent fois plus puissante que les phylogénies antérieures, puisqu'elle repose non plus sur une seule séquence (ITS), mais sur un très grand nombre (voir ci-dessous dans le paragraphe "quelques remarques"). Par ailleurs, il est important de noter que l'Ophrys bertolonii appartient à la macroespèce « sphegodes », dans la phylogénie réalisée à l'aide de 43 caractères morphologiques par Bateman et al. (2018). De plus, les Ophrys lunulata, promontorii et bertolonii sont classés au sein des « sphegodes » dans la phylogénie de Breitkopf et al. (2015). Enfin, si l'on consulte la phylogénie de Devey et al. (2008), on note que l'O. lunulata est membre de la macroespèce « sphegodes », ainsi que les Ophrys benacensis, bertolonii, bertoloniiformis, catalaunica, drumana et explanata.
Ces données constituent un ensemble cohérent (ADN nucléaire, ADN chloroplastique, morphologie). A l'évidence, les deux groupes « lunulata » et « bertolonii », peuvent être regroupés, dans la mesure où aucune donnée génétique ne permet de penser que ces soi-disant groupes puissent être distincts. Tout va dans le sens d'Ophrys balearica, benacensis, bertolonii / aurelia, bertoloniiformis, catalaunica, drumana / saratoi, explanata, flavicans, lunulata, magniflora, melitensis, panattensis, promontorii et tarentina, appartenant à l'ensemble « sphegodes », sans que pour le moment il soit possible d'indiquer un rang, si rang il y a. Il ne me semble donc plus nécessaire de polémiquer sur l'appartenance de ces Ophrys au vaste ensemble « espèce sphegodes ». Mais cela ne signifie pas que désormais tout est dit. Une seule chose est claire, nous ne disposons à ce jour d'aucune donnée génétique susceptible de modifier cette conclusion, et nous ne disposons pas non plus de données morphologiques permettant de réviser les phylogénies actuelles.
Reste à effectuer un gros travail avec le même outil que viennent de développer Bateman et al. (2018), c'est-à-dire obtenir une phylogénie d'une part pour le vaste ensemble « sphegodes » (c'est en cours), et d'autre part pour l'énorme ensemble « fuciflora / scolopax » (c'est également en cours). Ces analyses permettront, s'ils existent, de mettre en évidence divers rangs ou divers groupements. Une autre hypothèse est que la majorité des Ophrys de chacun de ces deux ensembles (sphegodes et fuciflora / scolopax) ne se regroupent en aucun sous-ensemble particulier, mais composent un fatras de formes ne permettant pas de distinguer de rangs.
Quelques remarques
NB : 1) Les données ITS et ADN chloroplastique indiquées dans les banques de données pour l'Ophrys balearica sont erronées, puisqu'elles correspondent en fait à des séquences concernant un Ophrys proche de scolopax.
2) La nomenclature n'accepte ni O x tarentina, ni O x melitensis. Par contre elle accepte O x promontorii (bertolonii x sphegodes) et O x panattensis (avec pour ce dernier une peu vraisemblable origine fuciflora x sphegodes).
3) Le nouvel outil développé par Bateman et al. (2018) a permis de mettre en évidence 4159 snp (single nucleotide polymorphism) pour 34 accessions du genre Ophrys (122 en moyenne), là où la seule séquence ITS de 25 Ophrys différents n'en révèle que 25 (donc 1 snp en moyenne).
Bibliographie
Bateman RM, Sramko G, Paun O, 2018.- Integration restriction site-associatesd DNA sequencing (RAD-seq) with morphological cladistic analysis clarifies evolutionary relationship among major species groups of bee orchids. Annals of botany 121(1) : 85-105.
Breitkopf H, Onstein RE, Cafasso D, Schlüter PM, Cozzolino S, 2015.- Multiple shifts to different pollinators fuelled rapid diversification in sexually deceptive Ophrys orchids. New Phytologist 207(2): 377-389.
Delforge O, 2016.- Guide des orchidées d'Europe, d'afrique du nord et du proche-orient. 4th ed., Delachaux et Niestlé, pp. 640
Devey DS, Bateman RM, Fay MF, Hawkins JA, 2008.- Friends or relatives ? Phylogenetics and species delimitation in the controversial european Orchid genus Ophrys. Annals of Botany 101: 385-402.
Henry Y, 2015.- Autour de l’ADN chloroplastique du genre Ophrys. L’Orchidophile 206 46 (3): 299-317
HY
et surtout aiguisez votre sens critique (examen, appréciation, jugement).
Suite aux balades maltaises de Philippe, avec cet Ophrys melitensis que je connais peu, cela a déclenché les commentaires qui vont suivre. Sur la base du débat entre les orchidophiles qui multiplient le nombre d'espèces (splitters) et ceux qui tentent d'en réduire le nombre (lumpers), les orchidées du genre Ophrys sont classées d'un côté dans une trentaine de groupes morphologiques (Delforge, 2016), ou de l'autre dans neuf entités monophylétiques suffisamment distinctes génétiquement pour être reconnues comme d'authentiques espèces (Bateman et al., 2018). D'ou la question : comment déterminer à quelle entité appartiennent les Ophrys des potentiels groupes « lunulata » et « bertolonii » de Delforge (2016) ?. Le groupe « lunulata » comprend les Ophrys lunulata, panattensis, promontorii et tarentina, mais nous ne disposons de données génétiques (ADN nucléaire) que pour lunulata et promontorii, et pour l'ADN chloroplastique uniquement pour O. lunulata. Pour ce qui concerne le groupe « bertolonii », un peu plus important, il comporte les Ophrys balearica, benacensis, bertolonii / aurelia, bertoloniiformis, catalaunica, drumana / saratoi, explanata, flavicans, magniflora, et melitensis. Nous disposons de données ADN nucléaire (ITS) pour benacensis, bertolonii, bertoloniiformis, catalaunica, drumana, explanata, ainsi que de données ADN chloroplastique (psbA-trnH et trnD-trnT) pour bertoloniiformis, catalaunica, drumana, explanata.
Bon nombre d'orchidophiles ont bien du mal à comprendre et accepter le fait que les orchidées de l'ensemble « bertolonii » puissent être considérées comme des membres à part entière de la « macroespèce » sphegodes (pour ne pas dire de l'espèce sphegodes). C'est ce point qui sera discuté ici.
Que savons nous de l'Ophrys lunulata et de ses proches ?
Les séquences ITS des Ophrys promontorii (O x promontorii) et lunulata, respectivement AY014538 et AM711712, sont identiques. Toutes deux sont également identiques à la séquence ITS de l'Ophrys sphegodes (AJ973254), séquence présente chez 26 des 47 Ophrys de la macroespèce sphegodes pour lesquels une séquence ITS a été identifiée : O. aesculapii, O. aranifera / sphegodes, O. argolica, O. ariadnae, O. biscutella, O. bertoloniiformis, O. catalaunica, O. cilicica, O. cretica, O. drumana, O. exaltata, O. explanata, O. ferrum-equinum, O. garganica, O. gortynia, O. helenae, O. incubacea, O. litigiosa / araneola, O. lunulata, O. mammosa, O. morisii, O. passionis, O. promontorii, O. reinholdii, O. splendida, O. spruneri.
Cette séquence ITS « sphegodes » se retrouve donc à la fois chez deux Ophrys du groupe « lunulata » : lunulata et promontorii, et d'autre part chez quatre Ophrys du groupe « bertolonii » (bertoloniiformis, catalaunica, drumana, explanata). Par ailleurs, lorsque l'on s'intéresse à l'ADN chloroplastique de l'Ophrys lunulata, avec ses deux séquences psbA-trnH (AM711680) et trnD-trnT (AM711944), nous notons l'identité de ces deux séquences, avec celles de l'Ophrys catalaunica (AM711658 et AM711922). Autrement dit ces deux Ophrys possèdent le même ancêtre maternel. Dans la mesure ou ces Ophrys drumana et lunulata possèdent également la même séquence ITS (celle de sphegodes), il est très vraisemblable qu'ils puissent être apparentés.
Que savons nous de l'Ophrys bertolonii et de ses proches ?
Nous venons de voir que les séquences ITS de plusieurs Ophrys de l'ensemble « bertolonii » (bertoloniiformis, catalaunica, drumana, explanata) sont totalement identiques à la séquence ITS de l'Ophrys sphegodes. Par ailleurs, comme cela a été démontré par Devey et al. (2008), certains Ophrys possèdent une (1) ou deux (2) autres séquences ITS en plus de celle de sphegodes, comme les Ophrys benacensis (1), catalaunica (1), drumana / saratoi (1), bertolonii / aurelia (2). En ce qui concerne catalaunica, la seconde séquence ITS (AY699968) est identique à l'ITS des Ophrys castellana et riojana, tous deux appartenant à l'ensemble « sphegodes ». De même, une des deux séquences ITS de bertolonii / aurelia est présente chez l'Ophrys araneola également inclus dans l'ensemble « sphegodes » et chez l'Ophrys cornuta chez lequel elle aurait été introgressée. Que dire des autres séquences, si ce n'est qu'elles présentent de très faibles différences avec les séquences déjà connues, indiquant de très probables mutations. La séquence additionnelle de l'Ophrys benacensis (AM711804) est très proche des séquences ITS garganica et drumana. De même, pour la séquence de l'Ophrys bertolonii (AM711805) très voisine de celles des Ophrys garganica et incubacea (tous deux inclus dans l'ensemble « sphegodes ») et drumana. Enfin, la séquence ITS additionnelle (AM711824) de l'Ophrys drumana, ne diffère que par un nucléotide de la séquence ITS (AM711825) de l'Ophrys drumana, qui est identique à la séquence ITS de l'Ophrys sphegodes.
Pour ce qui est des séquences chloroplastiques psbA-trnH et trnD-trnT, nous ne disposons que des séquences des Ophrys drumana, bertoloniiformis, catalaunica et explanata. toutes très proches (identiques, ou avec 1, 2 ou 3 différences sur près de 2000 nucléotides) des séquences chloroplastiques des autres membres de la macroespèce sphegodes. La constatation importante est la suivante, aucun des Ophrys mentionnés dans ces lignes ne possède une séquence chloroplastique psbA-trnH totalement identique à celle de l'Ophrys sphegodes. Cependant, faute d'une identité totale avec sphegodes, ces Ophrys présentent des séquences chloroplastiques très voisines (au sens de ne différant que très peu, par un, deux ou trois nucléotides de celles des Ophrys de l'ensemble « sphegodes », comme mammosa, ferrum-equinum, panormitana, incubacea, etc...).
Les pollinisateurs
Les Ophrys du groupe « lunulata » sont pollinisés par différentes abeilles Osmia. Par contre les Ophrys du groupe « bertolonii » font appel à différentes abeilles du genre Chalicodoma. Cependant, l'Ophrys bertolonii peut être pollinisé par la guêpe Campsoscolia ou par des abeilles Chalicodoma et Eucera.
Que nous disent les phylogénies ?
En premier lieu, il faut mentionner le fait que les séquences chloroplastiques des Ophrys drumana, bertoloniiformis, catalaunica, explanata et lunulata appartiennent bien à l'ensemble nommé macroespèce sphegodes. Ceci est conforme à l'analyse de l'ADN chloroplastique effectuée par Devey et al. (2008) chez O. bertoloniiformis, catalaunica, drumana, explanata et lunulata, résultat que nouss avons confirmé ultérieurement (Henry, 2015).
Ajoutons à cela que l'Ophrys lunulata présent dans la phylogénie réalisée par Bateman et al. (2018), se trouve être très proche de l'Ophrys sphegodes. Il en va de même pour l'Ophrys benacensis (Bateman et al., 2018). Ces deux Ophrys appartiennent à la macroespèce « sphegodes » dans cette phylogénie basée sur l'ADN, mais probablement cent fois plus puissante que les phylogénies antérieures, puisqu'elle repose non plus sur une seule séquence (ITS), mais sur un très grand nombre (voir ci-dessous dans le paragraphe "quelques remarques"). Par ailleurs, il est important de noter que l'Ophrys bertolonii appartient à la macroespèce « sphegodes », dans la phylogénie réalisée à l'aide de 43 caractères morphologiques par Bateman et al. (2018). De plus, les Ophrys lunulata, promontorii et bertolonii sont classés au sein des « sphegodes » dans la phylogénie de Breitkopf et al. (2015). Enfin, si l'on consulte la phylogénie de Devey et al. (2008), on note que l'O. lunulata est membre de la macroespèce « sphegodes », ainsi que les Ophrys benacensis, bertolonii, bertoloniiformis, catalaunica, drumana et explanata.
Ces données constituent un ensemble cohérent (ADN nucléaire, ADN chloroplastique, morphologie). A l'évidence, les deux groupes « lunulata » et « bertolonii », peuvent être regroupés, dans la mesure où aucune donnée génétique ne permet de penser que ces soi-disant groupes puissent être distincts. Tout va dans le sens d'Ophrys balearica, benacensis, bertolonii / aurelia, bertoloniiformis, catalaunica, drumana / saratoi, explanata, flavicans, lunulata, magniflora, melitensis, panattensis, promontorii et tarentina, appartenant à l'ensemble « sphegodes », sans que pour le moment il soit possible d'indiquer un rang, si rang il y a. Il ne me semble donc plus nécessaire de polémiquer sur l'appartenance de ces Ophrys au vaste ensemble « espèce sphegodes ». Mais cela ne signifie pas que désormais tout est dit. Une seule chose est claire, nous ne disposons à ce jour d'aucune donnée génétique susceptible de modifier cette conclusion, et nous ne disposons pas non plus de données morphologiques permettant de réviser les phylogénies actuelles.
Reste à effectuer un gros travail avec le même outil que viennent de développer Bateman et al. (2018), c'est-à-dire obtenir une phylogénie d'une part pour le vaste ensemble « sphegodes » (c'est en cours), et d'autre part pour l'énorme ensemble « fuciflora / scolopax » (c'est également en cours). Ces analyses permettront, s'ils existent, de mettre en évidence divers rangs ou divers groupements. Une autre hypothèse est que la majorité des Ophrys de chacun de ces deux ensembles (sphegodes et fuciflora / scolopax) ne se regroupent en aucun sous-ensemble particulier, mais composent un fatras de formes ne permettant pas de distinguer de rangs.
Quelques remarques
NB : 1) Les données ITS et ADN chloroplastique indiquées dans les banques de données pour l'Ophrys balearica sont erronées, puisqu'elles correspondent en fait à des séquences concernant un Ophrys proche de scolopax.
2) La nomenclature n'accepte ni O x tarentina, ni O x melitensis. Par contre elle accepte O x promontorii (bertolonii x sphegodes) et O x panattensis (avec pour ce dernier une peu vraisemblable origine fuciflora x sphegodes).
3) Le nouvel outil développé par Bateman et al. (2018) a permis de mettre en évidence 4159 snp (single nucleotide polymorphism) pour 34 accessions du genre Ophrys (122 en moyenne), là où la seule séquence ITS de 25 Ophrys différents n'en révèle que 25 (donc 1 snp en moyenne).
Bibliographie
Bateman RM, Sramko G, Paun O, 2018.- Integration restriction site-associatesd DNA sequencing (RAD-seq) with morphological cladistic analysis clarifies evolutionary relationship among major species groups of bee orchids. Annals of botany 121(1) : 85-105.
Breitkopf H, Onstein RE, Cafasso D, Schlüter PM, Cozzolino S, 2015.- Multiple shifts to different pollinators fuelled rapid diversification in sexually deceptive Ophrys orchids. New Phytologist 207(2): 377-389.
Delforge O, 2016.- Guide des orchidées d'Europe, d'afrique du nord et du proche-orient. 4th ed., Delachaux et Niestlé, pp. 640
Devey DS, Bateman RM, Fay MF, Hawkins JA, 2008.- Friends or relatives ? Phylogenetics and species delimitation in the controversial european Orchid genus Ophrys. Annals of Botany 101: 385-402.
Henry Y, 2015.- Autour de l’ADN chloroplastique du genre Ophrys. L’Orchidophile 206 46 (3): 299-317
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et surtout aiguisez votre sens critique (examen, appréciation, jugement).
- jft2607Admin
- Nb messages : 15127
Localisation : Guilherand Granges 07
Inscription : 24/11/2007
Re: Parenté entre les Ophrys de type « bertolonii » et de type «
Jeu 12 Avr 2018 - 15:24
- HY
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Localisation : GIF-sur-Yvette
Inscription : 21/02/2012
Re: Parenté entre les Ophrys de type « bertolonii » et de type «
Jeu 12 Avr 2018 - 17:31
Pas de problème, tu as raison, un PDF c'est plus utile. Ne me remercie pas, depuis mon départ en retraite à 64 1/2 (presque 45 ans de cotisation, je partage mon temps en trois activités ludiques: un peu de tennis, beaucoup de temps pour les orchidées, et un peu plus encore pour la maison (petit jardin, balades, vacances, tout cela avec Madame). J'ai 2 papiers qui vont sortir dans l'Orchidophile, j'en ai 2 autres en cours d'écriture, et après ????.
Ce forum me plait pour pas mal de raisons, ça discute, plusieurs ont une très bonne connaissance de nos orchidées européennes, ça critique (et ça c'est le plus nécessaire pour éviter de tourner en rond), les photos sont un énorme plus, et surtout, les orchidophiles ont cela de très sympa, c'est qu'ils acceptent de t'aider même si tu ne partages pas tous leurs choix. Bref, je retrouve là pas mal de choses du laboratoire.
avec mes amitiés,
HY
Ce forum me plait pour pas mal de raisons, ça discute, plusieurs ont une très bonne connaissance de nos orchidées européennes, ça critique (et ça c'est le plus nécessaire pour éviter de tourner en rond), les photos sont un énorme plus, et surtout, les orchidophiles ont cela de très sympa, c'est qu'ils acceptent de t'aider même si tu ne partages pas tous leurs choix. Bref, je retrouve là pas mal de choses du laboratoire.
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HY
- ClaudeVincentAnimateur
- Nb messages : 13704
Localisation : Mende
Inscription : 18/04/2007
Re: Parenté entre les Ophrys de type « bertolonii » et de type «
Jeu 12 Avr 2018 - 23:00
Encore une intervention, de haute volée, d'Yves, notre scientifique respecté !
De la lecture assez pointue qui enrichit pertinemment notre beau forum !
(Jf, je fais le PDF, ce sera rapide et je te l'envoie.)
De la lecture assez pointue qui enrichit pertinemment notre beau forum !
(Jf, je fais le PDF, ce sera rapide et je te l'envoie.)
- jft2607Admin
- Nb messages : 15127
Localisation : Guilherand Granges 07
Inscription : 24/11/2007
Re: Parenté entre les Ophrys de type « bertolonii » et de type «
Jeu 12 Avr 2018 - 23:05
- ClaudeVincentAnimateur
- Nb messages : 13704
Localisation : Mende
Inscription : 18/04/2007
Re: Parenté entre les Ophrys de type « bertolonii » et de type «
Jeu 12 Avr 2018 - 23:12
C'est fait.
Mais pour le titre est cce que c'est correct ? :
Parenté entre les Ophrys de type « bertolonii » et de type «
Mais pour le titre est cce que c'est correct ? :
Parenté entre les Ophrys de type « bertolonii » et de type «
Re: Parenté entre les Ophrys de type « bertolonii » et de type «
Ven 13 Avr 2018 - 8:09
Encore une passionnante étude.
Avec tes connaissances et tes données scientifiques pourrais-tu nous proposer ta vision d'une classification du groupe sphegodes (pour celles uniquement présentes en France).
Peut-on expliquer génétiquement le décalage de floraison entre araneola et sphegodes.
Je pense que tu peux compter sur tous les membres du forum pour occuper ta retraite avec des questions insolubles
Avec tes connaissances et tes données scientifiques pourrais-tu nous proposer ta vision d'une classification du groupe sphegodes (pour celles uniquement présentes en France).
Peut-on expliquer génétiquement le décalage de floraison entre araneola et sphegodes.
Je pense que tu peux compter sur tous les membres du forum pour occuper ta retraite avec des questions insolubles
- HY
- Nb messages : 1385
Localisation : GIF-sur-Yvette
Inscription : 21/02/2012
Re: Parenté entre les Ophrys de type « bertolonii » et de type «
Ven 13 Avr 2018 - 10:07
Malheureusement il nous manque beaucoup de données (ITS, ADN chloroplastique, et nouveaux outils) pour actuellement proposer quelquechose de sérieux. Mais le travail de Bateman et al. est en cours sur ce sujet.
La précocité de floraison est un caractère qui a un support génétique, mais nous ne connaissons pas, chez les orchidées, les gènes qui contrôlent ce caractère. Ce caractère peut être sélectionné chez le blé tendre par exemple.
HY
La précocité de floraison est un caractère qui a un support génétique, mais nous ne connaissons pas, chez les orchidées, les gènes qui contrôlent ce caractère. Ce caractère peut être sélectionné chez le blé tendre par exemple.
HY
- HY
- Nb messages : 1385
Localisation : GIF-sur-Yvette
Inscription : 21/02/2012
Re: Parenté entre les Ophrys de type « bertolonii » et de type «
Ven 13 Avr 2018 - 10:28
Je continue ma réponse à Olivier Marchand :
Si nous n'avons pas assez de données de séquences, nous en avons assez pour montrer par exemple que bon nombre des groupes définis par Delforge sur des bases morphologiques ne sont pas cohérents avec les données de séquence.
- Par exemple, le groupe argolica (Ophrys argolica, biscutella, delphinensis, morisii) avec delphinensis qui a une séquence ITS de type fuciflora, morisii qui a un ADN chloroplastique identique à Ophrys sphegodes, splendida (groupe incubacea) et aveyronensis (ce dernier à une séquence ITS de type fuciflora, par suite d'une introgression).
- comme je l'ai indiqué dans le PDF, les groupes bertolonii et lunulata ne semblent pas être différents.
HY
Si nous n'avons pas assez de données de séquences, nous en avons assez pour montrer par exemple que bon nombre des groupes définis par Delforge sur des bases morphologiques ne sont pas cohérents avec les données de séquence.
- Par exemple, le groupe argolica (Ophrys argolica, biscutella, delphinensis, morisii) avec delphinensis qui a une séquence ITS de type fuciflora, morisii qui a un ADN chloroplastique identique à Ophrys sphegodes, splendida (groupe incubacea) et aveyronensis (ce dernier à une séquence ITS de type fuciflora, par suite d'une introgression).
- comme je l'ai indiqué dans le PDF, les groupes bertolonii et lunulata ne semblent pas être différents.
HY
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