Minorque fin mars-début avril 2016

J'étais à Minorque récemment pour une dizaine de jours de vacances en famille (et belle-famille...!).
Tout d'abord merci à Olivier pour m'avoir transmis des infos !

Pour situer un peu, Minorque, deuxième île des Baléares (en taille) après Majorque, est le territoire le plus oriental de l'Espagne.


L'île s'étend sur environ une cinquantaine de kilomètres d'une extrémité à l'autre, donc on en fait le tour assez rapidement


L'urbanisation très limitée en fait une île relativement sauvage, d'ailleurs classée réserve de la biosphère par l'Unesco. Parmi ses autres richesses, on peut citer ses nombreux sites préhistoriques mégalithiques, notamment les vestiges de la culture talayotique qui rappellent étonnamment ceux de la culture nuragique sarde, et, bien sûr, ses plages, criques et calanques aux magnifiques eaux turquoises. (En cette saison, l'eau reste quand même fraîche, mais il en faut plus pour empêcher un breton de se baigner !)





Pour les orchidées, c'est en revanche très limité en termes de variété. J'ai croisé 13 ou 14 espèces durant mon séjour, et il n'y en a a priori pas beaucoup plus dans l'absolu (peut-être une bonne vingtaine tout de même). Cette relative pauvreté en nombre d'espèces est compensée par le fait que l'on trouve des orchidées quasiment partout sur l'île, de manière parfois très abondante. En fouinant un peu, on finit toujours par tomber sur le tenthred ou le bomby de service, et nombreuses sont les zones où l'on peine à ne pas écraser quelques speculums, présents par tapis entiers.

Passons maintenant aux choses sérieuses...

Anacamptis pyramidalis
Ils étaient en début de floraison.
Une petite particularité ici : la plupart des plantes sont blanches (comme dans certaines parties d'Italie méridionale) ou tout au moins très pâles. Très peu de fleurs avec les coloris habituels de nos régions, donc.




Et sur la première photo, on voit bien la nature du sol de beaucoup de stations, à base de cailloux bien coupants qui sont un cauchemar pour les genoux et les coudes du photographe.

Neotinea conica
Mis à part quelques plantes, ils étaient en toute fin de floraison (voire bien en fruits).





Serapias parviflora
En tout début de floraison.


A part ça, j'ai vu une Barlia en fruit, quelques Limodores en boutons, peut-être des Serapias lingua en bouton et... c'est tout, pour les non-Ophrys !

c'est déjà pas si mal..le coin à l'air sympa!!!

C'est bien beau tout ca =D

j'adore l'ombre de l'Ophrys sur le caillou

ça part très très bien....
Merci Zinb...

Passons à la partie la plus casse-tête : les Pseudophrys !!! Youpi !!!

Ophrys lutea
Pour celui-ci, ça va encore. Ils étaient plutôt en fin de floraison, mais bien reconnaissables (quoi que celui que j'ai choisi pour l'illustration était un peu atypique).



Ensuite, ça se corse un peu. J'ai dû voir 4 taxons, mais ils ont une fâcheuse tendance à se mélanger allègrement...

Ophrys dyris
Je ne suis pas convaincu que l'Ophrys dyris soit véritablement présent sous sa forme pure à Minorque, mais voici au moins quelques plantes qui lui ressemblent (fleurs assez grande, pilosité importante, base du labelle sans sillon avec plage blanche, etc).
Mais il y a parfois un très léger sillon, et les lobes latéraux ne sont globalement pas très divergents, ce qui devrait être le cas chez dyris.











Une bête assez bizzare, que j'ai associé à un lusus de dyris sur le coup, mais bon...


Ophrys arnoldii
Fleurs grandes, lobes latéraux rabattus sous le labelle, sillon peu prononcé...



En fait, beaucoup des Ophrys dyris présentés ci-dessus présentent des caractéristiques d'arnoldii. Il y a une forte introgression entre les 2 taxons, qui produit une sorte de vasconica local.
C'est encore plus visible à mon avis sur ces plantes :









Ophrys bilunulata
Taille moyenne, pilosité de la base du labelle très peu présente, marge jaune.



[


Ophrys fabrella
Endémique des Baléares !
Petite taille, pilosité de la base du labelle bien marquée, marge jaune. Pas toujours évident à distinguer de bilunulata, à mon avis...


Pour finir sur ces Pseudophrys, je me suis amusé à faire un petit montage de 4 plantes trouvées à moins de 10 mètres les unes des autres. Elles sont à la même échelle (grâce à mon carnet de feuilles quadrillées), donc on a à gauche un labelle de moins d'un centimètre (O. fabrella, a priori) et à droite un labelle de presque 2 centimètre (O. arnoldii... et influence de dyris, présent également ?).




Je terminerai demain (ou plus tard) avec les autres Ophrys (tenthred, speculum, balearica, bomby), pour finir en couleurs.

Avant de me coucher, tout de même une "pensée" pour Benoît, mais moins sympathique que celles de Philippe :


(Pas trouvé la version qui trottine... )

Quel casse tête 4 et c'est deja le bazar!!!

A noter qu'il y a aussi théoriquement lupercalis dans le coin, mais il devait être passé.

Zinb a écrit: et nombreuses sont les zones où l'on peine à ne pas écraser quelques speculums, présents par tapis entiers.

A ce point ?
pour le reste, c'est très intéressant (même si je ne connais pas grand chose en Ophrys méditerranéens).
Bravo pour l'ombre de l'ophrys !

Merci pour ce compte-rendu, avec de belles observations!

C'est un peu, pour les fusca s.l., mon opinion pour Majorque...
Grande phase d'hybridations...

On attends la suite...



Olivier

Merci bien jolie tout ça,original les pyramidales blanches

Beau reportage
Je suppose que tu as rencontré Op. balearica ainsi que la tenthrède locale ?

Difficiles ces pseudo-Ophrys. A Majorque mi avril j'avais vu plein de lupercalis qui ressemblaient diablement a tes photos dyrisxarnoldii!
Pour ma part j'avais été déçu par Majorque car il y avait très peu d'orchidées en densité. De ce que je comprends de ton reportage ce ne serait pas le cas a Minorque.
Sinon tu as trouvé Gennaria diphylla?

Olivier et Adrien : j'avais bien évidemment parcouru vos compte-rendus de Majorque avant de partir, mais tout ce que vous y avez écrit prend plus de sens maintenant que je viens de les relire après mon retour. Donc pour les fusca, je vois qu'on a vu à peu près les mêmes choses, et qu'on partage les mêmes doutes/réserves/interrogations.

Sinon, oui, j'ai bien trouvé la baléarica et la tenthred locale (qui devrait être tenthredinifera sensu stricto), mais pas Gennaria diphylla (pas de pointage, et pas spécialement cherché).
Pas non plus de Serapias nurrica (pas de pointage, et certainement plus tardive) ni d'Ophrys spectabilis (elle est à Majorque mais pas sûr qu'elle soit sur Minorque, et plus tardive de toute façon).

Mis à part que ça se passe sur une île, pourquoi ne pas appeler les plantes incriminées, l'une forestieri et l'autre vasconica ? Aucune photo ne montre de véritable dyris. Ophrys arnoldii est beaucoup plus tardif et devrait être en fleurs, au plus tôt, en mai, comme les Serapias. Il me semble que si on adopte ce point de vue, on se prend moins le chou.
C'est peut-être comme sur le continent, en face, où dyris est très sporadique ?

pas bien en forme cette tortue...
Merci pour ce beau reportage et la petite pensée !!!

Berni.Scarosi a écrit:Mis à part que ça se passe sur une île, pourquoi ne pas appeler les plantes incriminées, l'une forestieri et l'autre vasconica ?

Merci Jean-Marc pour ton intervention. Tous les éclairages sont les bienvenus en ce qui me concerne, ces populations de fusca restent pour moi un bourbier (d'autant plus que les effectifs n'étaient jamais très nombreux, donc difficile de se faire une idée nette). Pour être sûr de bien comprendre, tu proposes de nommer forestieri ce que je nomme arnoldii, et vasconica ce que je nomme dyris ?

Par rapport à ce qu'on appelle forestieri en Haute-Garonne (donc les ex-lupercalis), les "arnoldii" que j'ai vu à Minorque sont quand même nettement plus gros, et avec les lobes latéraux systématiquement très rabattus sous le labelle. Mais il est vrai qu'arnoldii est en principe (nettement) plus tardif. Donc ce pourraient être des intermédiaires forestieri-arnoldii ?
Pour les "dyris", vasconica est en principe d'origine hybridogène entre O. dyris et un O. fusca s.l., mais rien ne dit que les "vasconicoïdes" observés à Minorque (et aux Baléares en général) soient issus du même événement de spéciation que les vasconica véritables (de Gascogne, donc), et notamment que le parent fusca (qui pourrait être arnoldii aux Baléares) soit le même... Du coup, pourquoi pas les appeler vasconica pour simplifier, mais en tant que raccourci pour dire dyris x "fusca" sl ?
Reste à voir le statut de ces populations. Je n'ai effectivement pas trouvé de dyris pur, mais comme tu l'as dit, il se maintient peut-être de manière sporadique.

Niveau phénologie, difficile aussi pour moi de me faire une idée. Dans les populations que j'ai vues, il y avait des plantes à plein de stades différents sans corrélation véritable avec leur morphologie (et donc avec leur appartenance supposée à un taxon ou un autre).

Avant de continuer avec le Euophrys, je rajoute quelques photos que j'avais oubliées, de plantes peut-être intermédiaires entre bilunulata/fabrella et forestieri/arnoldii...





Ophrys speculum
Ils étaient en pleine floraison. Il y en a un peu partout, parfois très abondants (du genre, 1 pied tous les 10cm sur plusieurs mètres carrés).




Ophrys bombyliflora
Eux aussi en pleine floraison, voire plutôt sur la fin, et parfois très abondants aussi.


J'ai notamment passé un certain temps sur une station de milliers de bomby et de centaines de speculum, bien en mélange, à la recherche d'un hybride, mais rien trouvé... Ce qui me renforce dans l'idée que les hybrides de la Clape, avec un nombre de pieds parents bien plus réduit et en l'absence de leurs pollinisateurs, ont bien "vraisemblablement" une origine bipède !

Ophrys tenthredinifera
A priori, c'est le tenthredinifera sensu stricto qui est présent sur l'île, avec touffe de poils au-dessus de l'appendice très peu développée, un port plutôt robuste et des fleurs assez grandes.









A noter que les plus belles stations se trouvent sur les bords de route (avec parfois une centaine de pieds sur quelques mètres linéaires).



Je terminerai plus tard avec les balearica.

Cette profusion d' Ophrys tenthredinifera, speculum et bombyliflora fait rêver

Merci pour tes reponses.
A Majorque je n'avais qu'un pied de Ophrys "vasconica" au jardin botanique de Sollers dont une partie est dédiée aux orchidées.

Allez, je termine ce compte-rendu avec une tripotée de photos du dernier taxon.

Ophrys balearica
Un très bel Ophrys, selon moi. J'ai eu un peu de mal à trouver les premiers, mais ensuite ça s'est enchaîné. Il pousse plutôt à mi-ombre, dans les broussailles ou sous les pins.
Macule distale, labelle assez souvent trilobé et peu recourbé.
C'est un endémique des Baléares (avec théoriquement un pollinisateur spécifique : Chalicodoma sicula), mais je ne suis pas trop sûr de ce qui le distingue d'autres taxons proches (que je ne connais pas bien de toute façon).


















Avec une petite curiosité, une touffe de balearica avec un tout mini tenthred :


Voilà, pour conclure sur Minorque : peu de variété d'orchidées, mais une belle quantité (surtout sur la moitié sud de l'île).
Malgré cette quantité et pas mal d'heures de prospection, pas vu un seul hybride, ni même un seul pollinisateur...

pour l'ensemble de ce reportage bien joliment illustré.



Olivier

(NB/ A Majorque je n'avais vu que 2 ou 3 dyris indiscutables - vers la côte Nord - )

Ça me fait (un peu) plaisir ce que tu écrit ZIMB sur l'absence d'hybride. Majorque était mon premier voyage ophrys en 2007. J'y suis allé la fleur au fusil... sans connaitre aucune station... j'ai vu un peu la même chose que toi, et aucun hybride. Je m'étais vraiment trouvé mauvais!