- Zinb
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Article de N. Vereecken (pollinisation par leurre sexuel)
Dim 2 Déc 2012 - 15:01
Je viens de prendre connaissance d'un article tout récent (et très intéressant !) de Nicolas Vereecken, publié en septembre :
Nicolas J. Vereecken et al. (2012) Pre-adaptations and the evolution of pollination by sexual deception: Cope’s rule of specialization revisited. Proceedings of The Royal Society B - doi:10.1098/rspb.2012.1804
Comme le titre l'indique, l'article parle de l'évolution de la pollinisation par leurre sexuel, et des pré-adaptations qu'elle nécessite.
Parmi les diverses stratégies de pollinisation qui existent chez les plantes, cet article en aborde deux : le "mimétisme d'abri" (shelter mimicry) et le "leurre sexuel" (sexual deception).
Le mimétisme d'abri consiste, pour une plante, à imiter un abri dans lequel des insectes (le plus souvent des abeilles) viendront passer la nuit. Au matin, l'insecte repartira chargé de pollen, et la nuit suivante (ou dans la journée), il pollinisera une autre fleur. C'est la stratégie classique des Serapias.
Le leurre sexuel, vous connaissez, c'est la stratégie habituelle des Ophrys. Au contraire du mimétisme d'abri, le leurre sexuel attire un pollinisateur spécifique pour chaque espèce de plante, et la visite de ce pollinisateur a lieu de jour.
Les auteurs avancent l'idée que, au cours de l'évolution, la stratégie du leurre sexuel a dérivé de la stratégie du mimétisme d'abri, suite à des pré-adaptations inopinées qui ont eu pour effet d'attirer spécifiquement des mâles d'insectes. Ces pré-adaptations concernent la couleur, la forme et l'odeur des fleurs.
L'article s'intéresse à 3 groupes de plantes : les Serapias et les Iris du groupe Oncocyclus, qui utilisent normalement le mimétisme d'abri, et les Ophrys, qui utilisent normalement le leurre sexuel. Dans ces 3 groupes, les auteurs ont découvert qu'il existe une espèce qui utilise l'autre stratégie de pollinisation que celle utilisée normalement par son groupe :
- chez les Serapias, S. lingua utilise le leurre sexuel (c'est le gros scoop de l'article pour nous orchidophiles) : bouquet d'odeur modifié et callosité adaptée.
Voir la vidéo de pseudo-copulation chez S. lingua : http://rspb.royalsocietypublishing.org/content/suppl/2012/10/10/rspb.2012.1804.DC2.html
- chez les Iris Oncocyclus, I. paradoxa fait de même : pétales modifiés (avec des poils comme sur les Ophrys) et odeurs modifiées.
Voir par exemple la figure S2 : http://rspb.royalsocietypublishing.org/content/suppl/2012/10/08/rspb.2012.1804.DC1/rspb20121804supp1.pdf
- chez les Ophrys, O. helenae est "revenue" au mimétisme d'abri (deuxième scoop) : perte de macule (mais pas de modification d'odeur, si j'ai bien compris).
Les auteurs présentent aussi un arbre phylogénétique succinct des Ophrys. Le but n'était pas de retracer tout les phylogenèse du genre, mais de préciser la place d'O. helenae. L'arbre montre une place séparée pour O. insectifera (ça fera plaisir à Philippe ! ), puis un groupe bomby-speculum + les pseudophrys, puis un groupe avec le reste (la plupart des Euophrys). Malheureusement ils n'ont pas inclu de tenthredinifera dans l'étude.
La figure S2 m'a rappelé le "comparatif" que j'avais fait récemment entre Iris tuberosa et les Ophrys fusca :
https://ophrys.bbactif.com/t10675p15-benoit-en-tournee-dans-la-belle-provence-suite
Je me demande quelle est la stratégie de pollinisation d'Iris tuberosa. Une idée ? (Je vais demander en parallèle à l'auteur de cet article)
Nicolas J. Vereecken et al. (2012) Pre-adaptations and the evolution of pollination by sexual deception: Cope’s rule of specialization revisited. Proceedings of The Royal Society B - doi:10.1098/rspb.2012.1804
Comme le titre l'indique, l'article parle de l'évolution de la pollinisation par leurre sexuel, et des pré-adaptations qu'elle nécessite.
Parmi les diverses stratégies de pollinisation qui existent chez les plantes, cet article en aborde deux : le "mimétisme d'abri" (shelter mimicry) et le "leurre sexuel" (sexual deception).
Le mimétisme d'abri consiste, pour une plante, à imiter un abri dans lequel des insectes (le plus souvent des abeilles) viendront passer la nuit. Au matin, l'insecte repartira chargé de pollen, et la nuit suivante (ou dans la journée), il pollinisera une autre fleur. C'est la stratégie classique des Serapias.
Le leurre sexuel, vous connaissez, c'est la stratégie habituelle des Ophrys. Au contraire du mimétisme d'abri, le leurre sexuel attire un pollinisateur spécifique pour chaque espèce de plante, et la visite de ce pollinisateur a lieu de jour.
Les auteurs avancent l'idée que, au cours de l'évolution, la stratégie du leurre sexuel a dérivé de la stratégie du mimétisme d'abri, suite à des pré-adaptations inopinées qui ont eu pour effet d'attirer spécifiquement des mâles d'insectes. Ces pré-adaptations concernent la couleur, la forme et l'odeur des fleurs.
L'article s'intéresse à 3 groupes de plantes : les Serapias et les Iris du groupe Oncocyclus, qui utilisent normalement le mimétisme d'abri, et les Ophrys, qui utilisent normalement le leurre sexuel. Dans ces 3 groupes, les auteurs ont découvert qu'il existe une espèce qui utilise l'autre stratégie de pollinisation que celle utilisée normalement par son groupe :
- chez les Serapias, S. lingua utilise le leurre sexuel (c'est le gros scoop de l'article pour nous orchidophiles) : bouquet d'odeur modifié et callosité adaptée.
Voir la vidéo de pseudo-copulation chez S. lingua : http://rspb.royalsocietypublishing.org/content/suppl/2012/10/10/rspb.2012.1804.DC2.html
- chez les Iris Oncocyclus, I. paradoxa fait de même : pétales modifiés (avec des poils comme sur les Ophrys) et odeurs modifiées.
Voir par exemple la figure S2 : http://rspb.royalsocietypublishing.org/content/suppl/2012/10/08/rspb.2012.1804.DC1/rspb20121804supp1.pdf
- chez les Ophrys, O. helenae est "revenue" au mimétisme d'abri (deuxième scoop) : perte de macule (mais pas de modification d'odeur, si j'ai bien compris).
Les auteurs présentent aussi un arbre phylogénétique succinct des Ophrys. Le but n'était pas de retracer tout les phylogenèse du genre, mais de préciser la place d'O. helenae. L'arbre montre une place séparée pour O. insectifera (ça fera plaisir à Philippe ! ), puis un groupe bomby-speculum + les pseudophrys, puis un groupe avec le reste (la plupart des Euophrys). Malheureusement ils n'ont pas inclu de tenthredinifera dans l'étude.
La figure S2 m'a rappelé le "comparatif" que j'avais fait récemment entre Iris tuberosa et les Ophrys fusca :
https://ophrys.bbactif.com/t10675p15-benoit-en-tournee-dans-la-belle-provence-suite
Je me demande quelle est la stratégie de pollinisation d'Iris tuberosa. Une idée ? (Je vais demander en parallèle à l'auteur de cet article)
Re: Article de N. Vereecken (pollinisation par leurre sexuel)
Lun 3 Déc 2012 - 7:46
Très très très intéressant, merci Zinb pour le scoop. Tout s'expliquerait pour la callosité entière du lingua, je n'avais vraiment pas pensé à ça (j'ai vu des tas d'insectes dormir dans des Serapias, mais maintenant je vais faire attention à l'espèce).
Pour l'Iris tuberosa, si j'ai le temps je ferai un tour au Mont des Oiseaux et j'essayerai d'en savoir plus sur la pollinisation.
Merci encore pour l'article !
(PS : à quand un nouveau genre pour O. helenae ? Neophrys helenae par exemple ????)
Pour l'Iris tuberosa, si j'ai le temps je ferai un tour au Mont des Oiseaux et j'essayerai d'en savoir plus sur la pollinisation.
Merci encore pour l'article !
(PS : à quand un nouveau genre pour O. helenae ? Neophrys helenae par exemple ????)
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- Berni.ScarosiOrchid expert
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Re: Article de N. Vereecken (pollinisation par leurre sexuel)
Lun 3 Déc 2012 - 13:00
Il faudrait que je retrouve la (les ?) source(s), mais c'est un phénomène qui était déjà connu depuis un certain temps, il me semble.pmb a écrit:Très très très intéressant, merci Zinb pour le scoop. Tout s'expliquerait pour la callosité entière du lingua, je n'avais vraiment pas pensé à ça (j'ai vu des tas d'insectes dormir dans des Serapias, mais maintenant je vais faire attention à l'espèce).
Par contre, pour helenae, il est où l'abri ?
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- Zinb
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Re: Article de N. Vereecken (pollinisation par leurre sexuel)
Lun 3 Déc 2012 - 21:55
Pour ceux qui dorment dans les Serapias, c'est du "shelter mimicry" donc il peut y avoir plusieurs espèces pour chaque espèce de Serapias.pmb a écrit:j'ai vu des tas d'insectes dormir dans des Serapias, mais maintenant je vais faire attention à l'espèce.
Dans l'article, ils disent que c'est nouveau (tant pour S. lingua que pour I. paradoxa), et que c'est la première fois que quelqu'un rapporte un cas de pollinisation par leurre sexuel en dehors du genre Ophrys dans la région euro-méditerranéenne. Mais ils l'ont observé au moins dès 2007, donc c'est possible qu'un des auteurs ait déjà divulgué l'info ici ou là auparavant. C'est aussi possible que d'autres l'aient remarqué avant eux et qu'ils ne soient pas au courant...!Berni.Scarosi a écrit:Il faudrait que je retrouve la (les ?) source(s), mais c'est un phénomène qui était déjà connu depuis un certain temps, il me semble.
Bonne question ! A laquelle je ne suis pas sûr d'avoir la réponse. Les auteurs ont observé 2 espèces d'abeilles qui passaient la nuit sur O. helenae (et aucun insecte attiré en journée). J'ai trouvé la photo suivante qui apporte peut-être quelques éléments : http://www.pharmanatur.com/Epire/Ophrys%20helenae%20Igoum.JPGBerni.Scarosi a écrit:Par contre, pour helenae, il est où l'abri ?
Donc, ça servirait d'abri (ou plus simplement de reposoir) à des espèces d'abeilles assez petites. Pourquoi pas les autres espèces d'Ophrys alors ? Peut-être une question de couleur de labelle... voir ci-dessous.
En fait je ne comprends pas très bien le terme "shelter mimicry" appliqué aux Serapias, puisque pour moi, "mimicry" c'est mimétisme, donc c'est quand on imite quelque chose de manière factice. Or il me semble que les Serapias offrent un abri effectif, et non un abri imité. Sur quel modèle serait-il imité, d'ailleurs ? (Il faudrait savoir où ces abeilles ont l'habitude de s'abriter autrement : a priori, des interstices quelconques dans le bois, la pierre, etc)
Par contre, éventuellement, la couleur rouge du labelle d'O. helenae pourrait rappeller celle des Serapias, du coup on pourrait parler de mimétisme d'abri dans ce cas (le modèle étant le Serapias, qui est un abri réel), mais c'est un peu tiré par les cheveux. L'article précise que les abeilles ne voient pas ce rouge, et que donc les labelles des Serapias, des Iris et de l'Ophrys helenae apparaissent probablement noirs pour eux...
- Berni.ScarosiOrchid expert
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Re: Article de N. Vereecken (pollinisation par leurre sexuel)
Lun 3 Déc 2012 - 22:46
C'est peut-être Nico qui en avait parlé, mais je n'ai pas trop le temps de rechercher une référence biblio, ça reviendra peut-être...Zinb a écrit:Dans l'article, ils disent que c'est nouveau (tant pour S. lingua que pour I. paradoxa), et que c'est la première fois que quelqu'un rapporte un cas de pollinisation par leurre sexuel en dehors du genre Ophrys dans la région euro-méditerranéenne. Mais ils l'ont observé au moins dès 2007, donc c'est possible qu'un des auteurs ait déjà divulgué l'info ici ou là auparavant. C'est aussi possible que d'autres l'aient remarqué avant eux et qu'ils ne soient pas au courant...!Berni.Scarosi a écrit:Il faudrait que je retrouve la (les ?) source(s), mais c'est un phénomène qui était déjà connu depuis un certain temps, il me semble.
Avec la pseudocopulation, il n'y a pas réellement de copulation. Avec un pseudo abri, il ne doit pas y avoir réellement d'abri, mais le sentiment de...Zinb a écrit:Bonne question ! A laquelle je ne suis pas sûr d'avoir la réponse. Les auteurs ont observé 2 espèces d'abeilles qui passaient la nuit sur O. helenae (et aucun insecte attiré en journée). J'ai trouvé la photo suivante qui apporte peut-être quelques éléments : http://www.pharmanatur.com/Epire/Ophrys%20helenae%20Igoum.JPGBerni.Scarosi a écrit:Par contre, pour helenae, il est où l'abri ?
Donc, ça servirait d'abri (ou plus simplement de reposoir) à des espèces d'abeilles assez petites. Pourquoi pas les autres espèces d'Ophrys alors ? Peut-être une question de couleur de labelle... voir ci-dessous.
En fait je ne comprends pas très bien le terme "shelter mimicry" appliqué aux Serapias, puisque pour moi, "mimicry" c'est mimétisme, donc c'est quand on imite quelque chose de manière factice. Or il me semble que les Serapias offrent un abri effectif, et non un abri imité. Sur quel modèle serait-il imité, d'ailleurs ? (Il faudrait savoir où ces abeilles ont l'habitude de s'abriter autrement : a priori, des interstices quelconques dans le bois, la pierre, etc)
Par contre, éventuellement, la couleur rouge du labelle d'O. helenae pourrait rappeller celle des Serapias, du coup on pourrait parler de mimétisme d'abri dans ce cas (le modèle étant le Serapias, qui est un abri réel), mais c'est un peu tiré par les cheveux. L'article précise que les abeilles ne voient pas ce rouge, et que donc les labelles des Serapias, des Iris et de l'Ophrys helenae apparaissent probablement noirs pour eux...
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