Nouveau "carnage" en Chartreuse...

Depuis qu'un garde de l'ONF de St Pierre de Chartreuse m'a gentiment amené sur la station d'Epipogon du Fontanil, cela fait maintenant une bonne quinzaine d'années, je lui rends volontiers une petite visite chaque année, pour prendre un peu de fraicheur. Cette station est, pour moi qui déambule en Chartreuse depuis plus de 30 ans, sa plus belle station d'Epipogon. Certaines années, aidé de mon ami Gilles, nous en avons dénombrés une bonne quarantaine de pieds... Bien sûr, cela ne vaut pas la fameuse station de Vercors de St Nizier du Moucherotte...  En Chartreuse, l'Epipogon est bien présent, mais très disséminé... rarement plus de 5 pieds ici ou là, et encore pas toutes les années !!! Nul ne sait apparemment le pourquoi de ses éclipses plus ou moins longues ...
Au Fontanil, il y a 7 ou 8 ans, il y avait déjà eu une coupe, et le traînage des grumes avait décapé en partie de le bas de la station, mais la partie haute, plus riche n'avait pas été touchée (sans doute une autre parcelle)
Je décide donc, vu les conditions météo (chaleurs et très grande sécheresse) d'aller y faire un saut ce lundi 18 juillet !!!
J'y découvre donc un vrai massacre : des gros troncs coupés sont encore présents et non évacués... on ne sait pas trop pourquoi !! La parcelle est devenue une clairière entièrement recouverte de débris de branches !! Ce manteau est tellement épais que j'ai vraiment eu du mal à la visiter !!!
Inutile de dire que je n'ai pas trouvé un seul Epipogon !!!!... et il y a fort à parier que je ne suis pas prêt d'en voir apparaître dans les années à venir entre la mise à découvert, la sécheresse et l'étouffement de la moindre végétation !!!
Après discussion avec le nouveau garde ONF de St Pierre de Chartreuse, il ressort que ces parcelles sont privées et non gérées par l'ONF et que même s'il plaide pour une gestion raisonnée sous l'égide de l'ONF des innombrables parcelles privées du massif de la Chartreuse, pour le moment chacun fait ce qu'il veut de son lopin de bois, sans en rendre compte à qui que ce soit... en se fichant éperdument de la richesse patrimoniale du dit lopin !!!!
Triste façon de gérer ce qui à l'échelon de plusieurs générations n'est finalement qu'un bien commun... au dépend d'un profit immédiat... qui en plus ne doit pas être si important !!!
Voilà quelques photos prises avec mon 100mm macro, donc autant dire que ça ne représente pas réellement l'ampleur des dégâts !!

Tout cela est finalement assez "classique" hélas. En France, sur une parcelle privée, chacun fait ce qu'il veut, espèce protégée ou pas. Je ne pense pas que cela s'arrange dans les années à venir. La fuite en avant est inexorable et personnellement je ne vois rien de positif en matière d'environnement...

Peut être en discutant avec les propriétaires avant les massacres pour les sites sensibles... pas sûr qu'ils aient eu connaissance de cette espèce rare.
On a vu les résultats positifs dans les monts d'Arrée avec le Tour de France. Après c'est le feu qui est passé par là mais la première approche avait semblé donner ses fruits.

Normalement le rôle du PNR serait d'informer le propriétaire et de mettre en place des conventions (dédommagement) pour protéger ce genre d'espèces. Évidemment embaucher des jeunes animateurs pour "verdire" ces destructions sous prétexte de "gestion durable" c'est mieux, ça rapporte plus.
Pour l'ONF je t'invite quand même à vérifier sur Géoportail (couche 'forêts publiques') qui est bien propriétaires. Ceux là aussi ils battent des records pour, sous couvert d'une supposée "gestion durable" et d'une prétendue pression de la filière bois, porter atteinte à la biodiversité.

Natou a écrit:Peut être en discutant avec les propriétaires avant les massacres pour les sites sensibles... pas sûr qu'ils aient eu connaissance de cette espèce rare.
On a vu les résultats positifs dans les monts d'Arrée avec le Tour de France. Après c'est le feu qui est passé par là mais la première approche avait semblé donner ses fruits.

Le problème en Chartreuse est la multiplicité des "petits propriétaires"... Il faudrait qu'il y ait une gestion globale de la forêt. En discutant avec le garde ONF, il semble que même si tous les gardes n'ont pas la "fibre botanique" ils connaissent via NATURALIST les données botaniques (c'est même parfois eux qui les ont rentrées !). Il suffirait que les propriétaires soient contraints de déclarer leur coupe et de croiser avec les données patrimoniales...l'informatique permet beaucoup de choses.... De nos jours quand on change ses volets on est bien obligé de faire une demande en mairie !!!!...
Le second problème qui à mon avais est aussi important, c'est le "nettoyage" des parcelles après coupe, qui devrait être rendu obligatoire. Avant que tous les débris soient absorbés par la nature, il va se passer des dizaines d'années durant lesquelles aucune végétation ne pourra émerger... Quand un artisan effectue un chantier dans une maison, il nettoie avant son départ, quand un paysagiste fait l'entretien d'un jardin, il évacue les débris (il facture d'ailleurs cette évacuation !!)
Comme Hervé le dit, on se sent vraiment impuissant face à tous ces agissements peu respectueux (même dans un Parc Régional Naturel !!)... alors que du simple bon sens pourrait déjà apporter beaucoup...

Concernant l'ONF, la convention signée entre la FFO et l'établissement public s'est justement focalisée cette année sur l'épipogon (!) avec des prospections menées un peu partout en France. Donc ils sont forcément au courant de l'existence de ce site.

Forêt privée en France
Elle représente les trois quarts de la forêt métropolitaine (74 % exactement), soit près de 11 millions d'hectares sur les 15 millions de la forêt française. La forêt privée occupe 21 % du territoire national.

J'ai découvert cette problématique en Lozère ; j'avais un organisme de forêt privée comme client.
Ils essaient tant bien que mal de fédérer les très nombreux propriétaires de petites parcelles, et je ne sais pas ce qu'ils font ou peuvent faire ?

C'est un problème national : quand on est en forêt, en France, on est chez quelqu’un, pas souvent dans des forêts publiques et je crois que le public ignore voire s'en moque ?

Pas facile d'acter des démarches efficaces !

Bonjour à toutes et tous,
Quelques réflexions sur ce sujet important, en tant qu'initiateur de la convention nationale FFO/ONF, récemment signée (voir aussi mon article sur le sujet dans la revue Ll'Orchidophile, rédigé avec Jean-Michel MATHE, dans le contexte de ma participation à la Commission Conservation de la FFO:
- effectivement, dans l'esprit de cette convention nationale, il ne faut laisser passer aucune constatation (ou aucun risque) de destruction d'espèces végétales protégées (en particulier d'orchidées!) si l'on se situe en forêt domaniale (voire communale relevant du régime forestier) : il faut alors, en s'appuyant justement sur la convention nationale (qui doit contribuer à légitimer notre intervention), informer rapidement les différents niveaux de l'ONF : l'agent local, le correspondant "environnement" département, le directeur départemental ONF, ainsi que la commission Conservation de la FFO et les éventuels autres partenaires locaux susceptibles d'être impliqués/intéressés (PNR, commune, etc...);
- ceci impose d'être certain que l'on est bien en forêt domaniale!
- à titre d'information, je vous invite (si vous ne le connaissez pas déjà) à aller consulter le site de l'ONF où l'on peut télécharger tous les aménagements forestiers approuvés des forêts domaniales et communales (leur lecture est également riche d'enseignements!).
Lien : http://www1.onf.fr/lire_voir_ecouter/sommaire/amenagements/@@index.html
- l'idéal serait que les aménagements intègrent systématiquement et concrètement les enjeux biodiversité, ce qui n'est hélas pas le cas;
- certes tous les aménagements mentionnent de manière (souvent trop) générale la prise en compte des enjeux "biodiversité", en application des instructions internes à l'ONF; dans bien des cas (heureusement) cela est efficace; mais dans d'autres moins (comme partout, cela dépend aussi de la sensibilité des agents locaux au sujet ....);
- et puis il y a surtout le problème des sous-traitants forestiers, soit qui ne savent pas, soit qui s'en foutent, soit à qui on a rien dit .... c'est souvent dans ce contexte que les destructions sont réalisées ...
- remarque sur la notion de "nettoyage", évoquée dans une des réponses : il faut faire aussi très attention à ce sujet, dont les résultats sont parfois (souvent) pires que les travaux forestiers eux-mêmes (je pense que des bois morts, des houppiers débrisés ou autres ne posent pas de problème aux Epipogons et autres); ce sont souvent les profondes ornières créées par les engins forestiers (de plus en plus lourds et puissants, et qu'il faut "rentabiliser"!!) qui détruisent durablement sols, végétations et cours d'eau;

Pour finir, à noter que dans le cadre de la convention nationale ONF/FFO, nous avons effectué, avec Jacques BRY, un échange des données "orchidées" entre nos bases nationales respectives : on a ainsi récupéré environ 20 000 données de l'ONF (dont curieusement seulement 7000 situées en forêts domaniales) tandis qu'on leur a remis plus de 80 000 données! Donc, effectivement, en théorie, l'ONF dispose bien d'une connaissance assez actualisée des enjeux Epipogon (et autres) dans ses forêts publiques! Il est donc totalement anormal qu'ils "oublient" cela dans leurs décisions de gestion (hélas, en 2022, un collègue du 05 a encore constaté une dégradation du même type que celle de la Chartreuse ..., et je l'ai signalé à l'ONF);

J'en reste là à ce stade, mais force est de constater qu'il y a encore une belle marge de progression à développer pour une prise en compte réelle, pragmatique et efficace de tous les éléments de la biodiversité dans la gestion forestière (et notamment dans les forêts privées ... où tout reste à faire!!).

Cordialement,
Robin ROLLAND, secrétaire SFO PACA et cartographe/validateur 13 d'orchisauvage

1) Le problème de la Chartreuse c'est visiblement le grand nombre de parcelles privées ... où chacun fait ce que bon lui semble, sans se soucier de la richesse patrimoniale et sans en rendre compte à qui que ce soit...
2) Pour la notion de nettoyage, il est certes probable que vu le peu de cas que font les acteurs de la filière du couvert végétal de la forêt lors des coupes, ce nettoyage pourrait être pire que le mal déjà causé... mais quand on visualise mes deux photos on ne voit pas bien comment ce pourrait être pire pour l'Epipogon...
Après le passage des engins, il devrait y avoir une obligation de remise en état ornières, branchages... et une vérification !!!
Je reste très surpris qu'on ne soit pas obligé (à fortiori dans un PNR) de déclarer une coupe sur une parcelle et qu'il y ait avant tout accord, un contrôle (les stations sont connues et répertoriées)... je le répète : si je veux changer mes volets, je dois bien faire une demande préalable; si je me fais une cabane de moins de 20 m2, je dois faire une demande préalable ...

No comment...

Encore une destruction qui s'ajoute à tant d'autres, qu'elles touchent la flore ou la faune, on ne s'en sortira jamais. Je plains les générations à venir.